March 21, 2019
Appel de 12 ONG yéménites et internationales après 4 ans de guerre au Yémen
Paris, jeudi 21 mars 2019 – Une large coalition d’ONG yéménites et internationales, humanitaires et de défense des droits humains, a appelé aujourd’hui la France à jouer un rôle plus actif pour mettre fin à la guerre au Yémen.
Le 26 mars 2019 marque quatre années depuis l'intervention menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen. Ces quatre années de guerre et de bombardements indiscriminés visant les populations civiles ont conduit à la pire crise humanitaire au monde. Aujourd'hui, un nombre record de 24 millions de Yéménites – soit 80 % de la population totale – ont besoin d'aide humanitaire et un Yéménite sur deux souffre d’une grave insécurité alimentaire.
Les pourparlers de paix de Stockholm conclus il y a 3 mois, qui avaient donné une lueur d’espoir aux populations civiles, ne se sont pas encore traduits en améliorations tangibles. Dans certaines zones du pays, les combats se sont même intensifiés. La communauté internationale doit tout faire pour que cette quatrième année de guerre soit la dernière.
Les ONG présentes ont souligné la responsabilité particulière de la France, qui assume depuis le 1er mars la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU et pour 2019 celle du G7.
Elles ont appelé le gouvernement français à suivre les recommandations du Groupe d’éminents experts de l’ONU sur le Yémen qui, dans son rapport d’août 2018, a demandé à la communauté internationale de « s'abstenir de fournir des armes qui pourraient être utilisées dans le conflit au Yémen. » Compte tenu du risque d’utilisation de matériel militaire français contre des populations civiles au Yémen, les ONG ont une nouvelle fois appelé la France à suspendre ses exportations d’armement à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, à l’instar de l’Allemagne qui a décidé d’un moratoire sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite en raison de la guerre au Yémen.
Citations d’ONG
Radhya Almutawakel, présidente de Mwatana for Human Rights (Yémen)
« La paix est possible au Yémen, encore faut-il une volonté politique pour y parvenir. Les pourparlers de Stockholm, qui représentent le plus important espoir de paix depuis le début du conflit, n’ont été possibles que grâce à la pression exercée sur les acteurs du conflit par la communauté internationale, notamment de la France. Mwatana a documenté de graves violations des droits humains par toutes les parties au conflit. Mettre fin à l’impunité n’est pas un luxe, ce doit être une priorité. Le Yémen ne peut pas attendre quatre ans de plus. »
Dr. Philippe de Botton, Président de Médecins du Monde
« Ce conflit qui perdure depuis 4 ans n’a fait que fragiliser le système de santé au Yémen. L’accès aux soins pour les populations reste très entravé et le travail des organisations humanitaires sur place est extrêmement difficile. Il est urgent pour les décideurs politiques de prendre leurs responsabilités pour faire pression sur les membres de la coalition et il est impératif que la France remette en cause ses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite et aux Émirats Arabes Unis afin de mettre un terme à cette crise humanitaire inacceptable ».
Valentina Ferrante, Chef de mission Yémen pour Action Contre la Faim
« Alors que la guerre au Yémen entre dans sa cinquième année, sans issue en vue, il est temps pour tous les acteurs impliqués dans ce terrible conflit de se regarder en face et de réfléchir à l'impact dévastateur que la guerre a eu sur le peuple yéménite. Le nombre de civils tués et blessés, bien que tragique, ne raconte qu'une partie de ce qui se passe. Obsédées par leurs objectifs de guerre à court terme, toutes les parties au conflit ont semble-t-il délibérément fermé les yeux sur des faits essentiels : le risque de famine et les violations des droits de humains. Plus que jamais, il est temps pour elles de comprendre que le coût humain de la guerre est dévastateur. Des mesures constructives, fondées sur le processus de Stockholm, doivent être prises par tous pour mettre un terme à ce bain de sang. »
Jon Cerezo, responsable de campagne humanitaire chez Oxfam France
« Après 4 années de conflit la population yéménite subit une crise humanitaire qui la pousse au bord de la famine et qui s’acharne particulièrement sur les femmes et les enfants. La solution ne sera pas seulement humanitaire, elle sera politique, et doit être poussée partout dans le monde. La communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les souffrances du Yémen et doit cesser de nourrir le conflit en vendant des armes. La France ne peut pas continuer à approvisionner les pays de la coalition en armes, notamment quand il est prouvé que ces pays commettent des violations du droit international humanitaire. »
Thomas Hugonnier, Directeur Moyen-Orient de Handicap International
« En 2018, parmi les victimes du conflit que nous avons soignées, 15% des blessés ont été victimes d’une mine et 35% d’un bombardement. Nous sommes face à un conflit asymétrique que les civils paient au prix fort ! D’un côté, une armée régulière qui mène des bombardements massifs et indiscriminés en zones urbaines. De l’autre, un groupe armé qui a recours aux mines, l’arme du pauvre. 18 000 raids aériens dont 75 % des victimes sont des civils, 600 infrastructures civiles détruites ou endommagées chaque mois et des milliers de mines posées pour protéger les lignes de front. Il est urgent que la communauté internationale réagisse pour stopper ce décompte macabre. »
Fanny Petitbon, Responsable plaidoyer à CARE France
« Trois mois après la signature des accords de Stockholm, l’optimisme qu’ils avaient suscité n’est plus au rendez-vous. Le processus de paix est le dernier espoir auquel s’accroche la population yéménite. En tant qu’actuelle présidente du Conseil de Sécurité des Nations unies et du G7, la France doit soutenir pleinement les efforts de paix, rappeler fermement qu’il est inacceptable de cibler les civils, et stopper ses ventes d’armes aux pays impliqués dans le conflit. »
Mohamed Abdi, Directeur du Conseil Norvégien pour les Réfugiés (NRC, Norwegian Refugee Council) au Yémen
« Quatre ans après le début de cette guerre, alors que les organisations humanitaires tentent d'aider des millions de femmes, d'enfants et de familles à survivre aux combats, à la famine, au choléra et à la pauvreté abjecte, les belligérants et les principaux donateurs qui financent l'aide sont aussi les parties au conflit responsables de cette catastrophe. Leurs promesses de milliards de dollars faites il y a quelques semaines à Genève semblent vaines alors que, dans le même temps, ils aident à tuer et à déplacer les Yéménites. Nous exhortons la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite, ses soutiens internationaux, ainsi que Ansar Allah, à cesser les attaques contre les civils. Au lieu de cela, ils devraient consacrer tous leurs efforts à la mise en œuvre du cessez-le-feu de Hodeidah et de l'Accord de Stockholm. Ils doivent retourner à la table des négociations, étendre le cessez-le-feu à l'ensemble du Yémen et mettre fin aux souffrances des civils yéménites. »
Aymeric Elluin, Chargé de plaidoyer armes à Amnesty International France
« Depuis le début du conflit au Yémen, plus de 17 640 civils ont déjà été tués ou blessés, principalement lors de frappes aériennes, et la situation humanitaire déjà catastrophique s’en est trouvée exacerbée. Le gouvernement français n'a pourtant pas eu de cesse de minimiser ses ventes d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. De son côté le Parlement a renoncé depuis trop longtemps à toute forme de contrôle, entretenant un silence pesant sur les ventes d’armes du gouvernement. Alors que le Yémen entre dans sa 5ème année de conflit, Amnesty International appelle la France à rendre compte de façon exhaustive et détaillée de ses exportations d'armes au Parlement et à la société civile française. Le silence des parlementaires face à la tragédie du Yémen doit cesser. Ils doivent enfin contrôler les exportations d’armes autorisées par le gouvernement. »
Tony Fortin, Chargé d’études à l’Observatoire des armements
« Neuf organisations, dont l'Observatoire des armements, se prononcent pour la mise en place d'une commission parlementaire permanente de contrôle des ventes d'armes en France. C'est un franc signal envoyé aux rapporteurs de la mission d'information sur le contrôle des exportations d’armements de l'Assemblée nationale, les députés Jacques Maire et Michèle Tabarot, et à l'ensemble des parlementaires. Ils ont une occasion unique de doter le Parlement d'un vrai pouvoir de contrôle comme en Allemagne, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Aux députés de discuter publiquement nos recommandations et de construire - enfin ! - la démocratie parlementaire dans ce domaine. »
Elias Geoffroy, Responsable plaidoyer Afrique du Nord & Moyen-Orient à ACAT-France
« La crise du Yémen et le rôle joué par la France via l’exportation d’armements à l’Arabie saoudite et aux Emirats arabes unies est un rappel accablant du manque de transparence et de l’absence totale de contrôle démocratique en matière de ventes d’armes en France. »
Antoine Madelin, Directeur du plaidoyer international à la FIDH
« Quatre années après s'être lancée dans un conflit épouvantable pour les populations civiles, la coalition menée par l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis continue de bénéficier d'une mansuétude inouïe de la part de la France et d'autres pays occidentaux, pour la simple raison qu’ils leur achètent des armes. »
Nabil Berbour, Responsable de campagnes chez SumOfUs
« Près de 3 Français sur 4 (72%) souhaitent un contrôle renforcé du parlement en ce qui concerne les ventes d’armes, selon un nouveau sondage YouGov pour SumOfUs, à l'instar de ce qui se pratique par exemple au Royaume-Uni, en Suède ou d'autres démocraties. Nous espérons que les député-es membres de la mission d’information sur le contrôle des exportations d’armements de l’Assemblée nationale sauront entendre ce message fort et demanderont la fin de l'exception française et du non-contrôle démocratique des ventes d'armes. »